Interview : Peter Thommen

Depuis son arrivée dans les années 75, la planche à voile a suscité des vocations, de l’enthousiasme, créé des mythes, des histoires incroyables, engendré aussi, parfois, des drames. Des hommes et des femmes ont marqué cette histoire, comme ils ont marqué celle du magazine que vous tenez entre vos mains. Petits retours en arrière en quelques figures emblématiques…

 

Nous continuons cette série de « Que sont-ils devenus? » par L’expérience. La force tranquille, le confort et la facilité dans la performance :

 

Peter Thommen

Comment es-tu venu au windsurf?

Je suis né et j’ai grandi au bord d’un lac, à Biel, en Suisse, et dans les années 75/77, on a commencé à voir les premières planches. Un de mes amis avait acheté une Windsurfer. Et très vite, grâce aux photos dans les magazines, j’ai commencé à shaper, ma pre- mière planche est sortie de mon garage au cours de l’hiver 78/79.

 

Tu shapais un pain de mousse?

Non, pas du tout! (rires) Pour les premières, on avait réalisé un moule en bois et l’on moussait notre propre pain polyuréthane. Nous n’étions pas assez futés et ce fut une expérience épique parce que, évidemment, le moule en bois avait fini par exploser !

Tu as connu la compétition?

Très très peu. Un peu de régate en Division 1 puis en D2, mais, surtout l’été, il y a un thermique qui peut monter assez fort en fin de journée. Donc nous sommes passés très vite aux petites planches, d’autant qu’il y avait une belle scène de planche déjà à ce moment-là : Jean Bouldoires, shaper AHD, est de Biel, Jean-Jacques Deboichet a grandi à Biel… On se connaît bien !

 

Tout cela s’est structuré très vite finalement?

J’étais journaliste à l’époque, pour un quotidien qui traitait de politique et d’économie locale. Je suis parti à Hawaï une pre- mière fois avec un copain, revenu puis reparti. J’ai travaillé avec mon meilleur pote en Suisse, on fabriquait des customs, et réa- lisé la première Rabbit pour Fanactic, en 1981.

 

Pour qui shapais-tu à ce moment-là?

Essentiellement pour une clientèle locale. Le premier gars un peu sérieux, un peu compétiteur, a été Christian Herles, qui allait devenir plus tard président de la PBA, et pour qui j’avais fait quelques planches. Les choses ont évolué lorsque j’ai bossé avec Helmut Kirner au lac de Garde, aussi avec le team Hifly, Axel Ohm et Björn Schrader surtout.

Quand t’es-tu intéressé à la production de planches de série?

À partir du moment où j’ai commencé à travailler avec F2. Avant, j’étais déjà impliqué avec Helmut, bien sûr, un échange se faisait, j’avais fait des planches qui marchaient bien, lui avait besoin d’un modèle pour la série, il y avait un échange, nous n’étions pas seulement dans une optique de concurrence.

 

Et aujourd’hui?

Jusqu’à récemment, je faisais faire mes planches chez Flikka, en Slovénie. Et maintenant, je vais réaliser ma gamme aux Pays-Bas, avec un ami. On a le projet de produire quelques planches en série, mais nous resterons tourné vers le custom.

 

La Gleitwunder est ton modèle phare en freeride/slalom…

C’est une planche qui marche très bien. Mais n’oublions pas qu’il y a peu, 2,65 m, la longueur de la Gleitwunder, c’était la longueur d’une grosse planche de vagues! Certes, les riders expérimentés n’ont pas besoin de cette longueur, mais l’industrie de la planche à voile a commis des erreurs au fil des années. Par exemple de complètement oublier une population pour laquelle la planche à voile n’était pas une passion, mais un passe-temps, quelque chose que les gens avaient en- vie de faire de temps à autre, sans vouloir investir davantage de temps et d’aller faire un tour sur le lac.

 

C’est une alternative au foil?

Il y a beaucoup de gens qui n’ont pas envie de se mettre au foil. Je propose des modèles avec des boîtiers spécifiques pour le foil, mais attention, il ne faut pas faire l’erreur de l’im- poser à tout le monde. Je n’ai rien contre la recherche de la performance, au contraire. Mais à part Bruno André et Robby Naish, tout le monde est parti dans cette direction plutôt que sur le petit temps, le fun, la récréation quoi! L’industrie, je crois que ce sont toujours les mêmes mecs et ils n’ont toujours rien compris, c’est impressionnant ! Et ils se demandent après pourquoi les gens n’achètent pas leurs produits…

 

Qu’est-ce qui te motive à shaper encore ?

Je ne sais rien faire d’autre moi! (rires) J’aime toujours le challenge de dessiner une planche, ce processus d’avoir une idée puis de la réaliser…

 

Tu navigues toujours?

J’habite à côté de Briançon, je passe beaucoup de temps à la montagne, j’aime skier… Je navigue moins qu’avant, mais tou- jours un peu, si je veux continuer à savoir de quoi je parle !

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