Dans l’intimité des pros Slalomeurs (Partie III)

Nous avons profité de l’étape de Coupe du monde qui avait lieu à Marignane l’année dernière pour interroger les deux meilleures slalomeuses françaises et trois des meilleurs slalomeurs français en 2018 sur leurs choix de réglages de matériel et leurs ajustements en fonction des conditions. Avec Delphine, Marion, Antoine, Pierre et Julien, nous avons passé au crible les principaux points clés qui permettent de naviguer plus facilement, plus confortablement et performer dans toutes les situations possibles. En allant chercher les plus petits détails, qui font toute la différence entre le pratiquant lambda et le champion.

 

A la lecture de leurs réponses, on s’aperçoit que les réglages et les sensations peuvent être parfois différentes voire contradictoires d’un coureur, d’un sexe à l’autre, en fonction du style, du gabarit ou du matériel. Ce qui démontre toute la richesse, toute la complexité de notre sport pratiqué dans un milieu – le vent, la mer – en perpétuel mouvement. S’il n’existe pas de vérité absolue, les secrets et recettes de nos Pros du windsurf – dont les deux champions du monde en titre – apportent de l’eau à nos moulins. A nous maintenant d’expérimenter et personnaliser ces « grandes règles » sur nos spots, avec notre matos, pour trouver celles qui nous conviennent le mieux sur l’eau.

Et que vous soyez slalomeurs ou Freerider, expert ou débutant, ces grands principes s’appliquent à tous.

 

Les 5 Pros

Delphine Cousin

1,76 m pour 70 kg

Championne du monde 2018

 

Marion Mortefon

1,61 m pour 65 kg

3e mondiale 2018

 

Antoine Albeau

1,85 m pour 99,9 kg

Champion du monde 2018

 

Pierre Mortefon

1,86 m pour 92 kg

3e mondial 2018

 

Julien Quentel

1,82 m pour 88 kilos

5e mondial 2018

 

 

Quels sont les avantages/inconvénients du harnais culotte et harnais ceinture

Pierre : J’ai changé il y a 5-6 ans pour le harnais ceinture qui apporte de la liberté aux jambes dans le vent léger pour faire gîter la planche, être plus libre d’abattre ou lofer ou encore mieux gérer dans le vent fort. Par contre, on perd en puissance avec la ceinture et, personnellement, j’ai travaillé sur le renforcement du bas du dos pour gagner en power. L’avantage, ce que l’on perd en puissance, on le regagne en contrôle. Avec le modèle culotte, on peut s’assoir dans le harnais et aller plus loin, mais quand la limite est franchie, cela devient d’un coup difficile de naviguer. On a soudain moins de contrôle et les fesses cherchent à se lever en navigation. Par exemple, à Gruissan, les bords sont très longs, le dos fatigue plus vite en ceinture qu’en culotte. J’ai réessayé le harnais culotte en foil dernièrement pour voir, j’avais vraiment l’impression d’être coincé, je n’étais pas libre.

Julien : J’ai vraiment retesté les deux configurations « culotte/ceinture » à Fuerteventura pendant l’été 2018. Je me suis aperçu que lorsque je relâche la pression sur la planche pour préparer mon jibe, le harnais culotte garde la puissance dans les jambes car il bloque le bas du corps. Je n’arrive alors pas à ralentir et je continue tout droit. Avec le harnais ceinture, que je porte assez bas (presque à la même position qu’un culotte), je peux bien m’assoir dedans et lorsque j’arrive au jibe, lorsque je me redresse, mes jambes sont libres, je peux plus facilement ralentir et tourner. Depuis 3-4 ans, je mixais, lorsqu’il n’y avait pas de vent, je mettais le culotte et lorsque ça montait, je passais en ceinture. Désormais, je n’utilise plus que le ceinture, sachant que lorsqu’il n’y a pas de vent, je le descends au maximum, il me bloque ainsi un peu plus les hanches pour avoir plus de puissance sur le bas : j’arrive à mettre plus de poids dedans. Dans le vent, il remonte un petit peu et je peux davantage forcer avec le bas du dos et m’écraser dedans pour accélérer. Avec le ceinture, tu fais plus travailler les abdominaux, tu es obligé de plus gainer le corps tandis que les jambes sont plus libres sans les sangles sous-cutales.

Antoine : Tu peux beaucoup plus solliciter de puissance avec le harnais culotte, mieux retransmettre cette puissance de la voile à ton flotteur par ton corps et tes jambes. L’inconvénient, tu as les sangles sous-cutales qui te gênent entre les jambes. J’ai mis longtemps à adopter le ceinture en compétition, alors que ça faisait 10-15 ans que je m’entraînais uniquement avec, en gardant les mêmes longueurs de bouts de harnais. C’est en Croatie aux Championnats du monde de Formula que j’ai pris le harnais ceinture, dans les vents légers, c’était mieux pour me redresser un peu. L’inconvénient du harnais ceinture, c’est que tu dois travailler beaucoup plus physiquement des jambes. Sur des longues distances, je pense que je serais mieux en harnais culotte. L’avantage du harnais ceinture, tu peux t’accrocher/décrocher plus facilement, tu es libre des jambes dans le jibe et tu es mieux dans le baston.

Marion : Je n’utilise pas de harnais ceinture car ça me fait trop mal au dos et je suis inefficace avec de grosses voiles. Car je ne suis pas assez puissante et le harnais remonte trop. J’utilise donc un harnais Liberty – c’est un japonais qui fait cela – qui est entre le ceinture et culotte, qui prend bien le bassin avec les jambes assez libres par l’absence de sangles sous-cutales. Dans la théorie, le harnais ceinture est censé libérer davantage les jambes et mieux contrôler dans le vent, mais dans la pratique, cela ne fonctionne pas du tout pour moi. Car le harnais ne reste pas bloqué et je suis beaucoup plus efficace avec un modèle culotte dans lequel je peux m’assoir et écraser. C’est une question de morphologie. Et j’utiliserai encore moins un harnais ceinture sur une longue distance comme le défi Wind à Gruissan. En revanche, pas de soucis en vague avec la ceinture.

Delphine : J’utilise le harnais Drake avec le même problème que Marion et que beaucoup de filles, nous sommes plus larges au niveau du bassin qu’au-dessus donc le harnais ceinture remonte. J’ai encore fait l’expérience dernièrement en essayant mon harnais ceinture – après avoir cassé la boucle de dorsal – et je me suis démonté le dos. La boucle monte très haut, je ne sais pas comment font les filles naviguent avec ça. En vagues, la ceinture ne pose pas de problème, on ne cherche pas aller vite et naviguer en puissance. Mon harnais Drake prend sous les fesses mais n’a pas de sangle sous-cutale et je le porte assez haut quand même.

 

Quelle est l’adéquation voile, flotteur, aileron ?

Pierre : Pour faire simple, sur chaque planche (Fanatic Falcon) je mets 2 voiles (Duotone Warp) et pour chacune des voiles, j’ai un aileron. En 9m² avec 140 litres, j’ai 46 cm d’aileron, en 8,4 m²/140 l. j’ai 44 cm, en 7,7 m²/115 l. 38 cm, 7,0 m²/115 l. 36 cm. Pour la petite planche de 98 litres, c’est 34 cm avec 7 m², 33 cm avec 6,2 m², 32 cm avec 5,4 m². Ce n’est pas parce que je navigue en petite voile qu’il faut mettre trop petit en aileron. Car on peut perdre en appui et stabilité, ça peut chasser de l’arrière et se contrôler moins bien. Sur un plan d’eau défoncé, il faut parfois naviguer avec un petit centimètre d’aileron en plus qui va permettre d’aller plus droit et d’avoir tout le temps quelque chose sous les pieds.

Delphine : J’ai une 8,4 m² au cas où, mais ma plus grosse voile c’est 7,7 m² (S2 Maui Venom) et ma plus grosse planche une Starboard iSonic de 77 cm de large avec un aileron de 40 cm pour privilégier la glisse. Sur ma planche de médium iSonic 67, je mets 7 et 6,3 m² avec un aileron de 33/34 ou 35 cm en fonction de la marque et du plan d’eau. Je mets sur ma petite planche de 60 cm de large des voiles de 6,3 à 5 m² avec 31 cm

Marion : J’utilise la Fanatic Falcon 130 avec 7.7 m² (Duotone Warp) avec 41 cm d’aileron. Ensuite, j’utilise la Falcon 106 avec 7 et 6,3 m² avec 33/34/35 cm. Puis je navigue avec 31 cm sur la petite planche de 89 litres x 60 cm avec les plus petites voiles.

Je n’aime pas les grandes voiles sur une petite planche, je préfère une planche un peu plus grosse avec une voile plus petite.

 

Pourquoi part-on en spin out ? Comment faire pour le prévenir ?

Julien : C’est souvent parce qu’on met trop de pression sur la jambe arrière, cela peut être un aileron trop petit ou une voile trop grande pour la planche/aileron. Quand on ne peut pas changer d’aileron, il faut changer sa position, être plus léger, moins bourrin.

Antoine : On peut également partir en spin out à cause d’un pied de mât trop avancé, ça va appuyer un peu trop sur l’avant de la planche et alléger l’arrière, puis décrocher plus facilement. Ça peut être aussi un pied de mât trop reculé, on va mettre trop de puissance sur l’aileron qui ne va pas supporter et décrocher. Ce qui est important dans le spin out, c’est de le sentir venir pour l’empêcher. Quand tu le sens venir, tu tires un peu sur les jambes – au lieu de pousser – avant de décrocher et ton aileron reprend l’appui.

Les filles ont-elles la même position de footstraps que les garçons ?

Marion : L’an dernier, sur mes petites planches, j’avais une position de footstrap plus avancée que mon frère à planche équivalente pour avoir plus de contrôle. J’écarte un peu plus les footstraps sur mes petites planches.

Delphine : j’ai sensiblement le même écartement de footstraps qu’Antoine (Questel). Parfois j’aimerais avoir le pied arrière plus à l‘extérieur de la planche, plus près du rail pour avoir plus de couple alors je serre un peu plus le footstrap pour n’avoir que les pointes de pied dedans. (NDLR : eh oui les planches sont développées par des golgoths qui chaussent du 44/45 en moyenne).

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