Interview : Stéphane Krause, entraîneur de l’équipe de France Funboard

Entraîneur de l’équipe de France Funboard, reconnu pour son expertise technique, son exigence et son engagement dans la performance de haut niveau, Stéphane Krause met aujourd’hui son expérience au service des meilleurs riders français, qu’il accompagne dans leur progression sportive. À la fois pédagogue, visionnaire et passionné, il joue un rôle clé dans le développement et le rayonnement du funboard français sur la scène internationale.

Bonjour Stéphane, quel est ton rôle au sein de la FFV ?

Mon rôle au sein de la FFVoile en ce qui concerne le funboard est l’entraînement de l’équipe de France. Je travaille avec Julien Magurno qui coordonne le Haut Niveau funboard et qui entraîne également. Cela fait pas mal d’années que nous travaillons ensemble, en mettant en place les stages en commun, jeunes et seniors, et en accompagnant les sportifs dans leur projet. Depuis deux ans, nous avons renforcé les actions d’entraînement et de suivis pour installer une vraie dynamique collective.

Peux-tu nous expliquer les différences entre la filière olympique IQ Foil et le Funboard ?

Comme tu le dis, l’IQ Foil est la filière « olympique », les sportifs qui s’y engagent ont le rêve ultime d’être le représentant ou la représentante française aux Jeux Olympiques. Il y a une équipe de France, des pôles France et Espoirs qui structurent la filière, la préparation des sportifs et l’accompagnement. Coordonnés par les deux directeurs de l’équipe de France, les entraîneurs nationaux et des pôles organisent les entraînements hebdomadaires et les regroupements, et coachent les planchistes sur les épreuves du circuit.

Le funboard est labellisé « discipline de haut niveau », il est « non olympique », donc bénéficie de moins de moyens de la part de l’état. La FFVoile défend notre discipline auprès des instances et la soutient financièrement et humainement. Avec Julien, nous organisons, accompagnons et encadrons les sportifs de haut niveau sous forme de « blocs d’entraînement ». En dehors de ces séquences, les sportifs s’entraînent dans les clubs ou de manière autonome. Certaines ligues organisent également des stages d’entraînement qui regroupent différents niveaux de pratique. Nous sommes en lien avec les entraîneurs et présents sur des évènements nationaux, nous permettant de détecter les meilleurs potentiels. 

Quels sont les critères de sélection pour faire partie de l’équipe de France de funboard ? Existe-t-il différents statuts selon les niveaux et les âges ? Comment rejoindre le groupe ?

Pour être en équipe de France Homme ou Femme, il faut être dans le top 3 au classement général de la coupe du Monde PWA en slalom foil, slalom aileron, en vagues ou en freestyle. Ensuite, nous avons le groupe France Homme et Femme. Pour en faire partie, nous étudions le projet sportif et les résultats en PWA (top 20) et sur le mondial IFCA (top 5). Et le Dispositif Relève Homme et Femme U25 : à partir des résultats sur des épreuves de la PWA, les championnats d’Europe et du Monde Jeune. A noter que pour tous les stages, nous invitons tous les membres de ces 3 collectifs. Donc pour faire partie d’un de ces collectifs, il faut avoir de bons résultats soit en Coupe du Monde ou sur les IFCA et un projet sportif solide.

Se rajoute des délégations françaises pour les championnats d’Europe et du Monde U21 et U17. Les sportifs(ves) doivent faire acte de candidature. Ce sont des délégations ponctuelles pour le championnat, composées de 4 filles et 4 garçons. Avec Julien, nous évaluons le niveau sportif sur les épreuves internationales et nationales, AFF et Championnat de France Espoirs de l’année précédente, et en les observant lors d’une épreuve de la saison et/ou un stage. Nous proposons une liste qui est validée par le Directeur Technique National.

Il existe cinq pôles France voile olympique (Brest, La Baule, La Rochelle, Marseille et Relève Occitanie) qui proposent un encadrement pour les sportifs de haut niveau en IQFoil. Quelles sont les structures dédiées à l’équipe de France de funboard ?

Depuis la fermeture en 2011 du Pôle France Funboard à l’École Nationale de Voile et des Sports Nautiques que je coordonnais, il n’y a plus de structure dédiée spécifiquement au funboard. Il y a eu la création d’une équipe de France et cette entité joue ce rôle. Même si le volume d’encadrement est bien moins important que ce que l’on mettait en place avec le Pôle, l’accompagnement de l’équipe se structure sur le même modèle, c’est-à-dire sous la forme de blocs d’entraînement d’une à deux semaines.

A noter que certains membres de l’équipe et de nos collectifs sont rattachés à des Pôles France, ils ont ainsi accès aux ressources du pôle, salle de musculation, suivi psychologique, suivi médical, etc.

Comment la Fédération Française de Voile soutient-elle l’équipe de France funboard ?

En défendant ardemment au ministère des sports le maintien du funboard comme discipline de Haut Niveau, en mettant du temps de Cadres Techniques Nationaux et notre énergie au service de l’équipe de France et du Haut Niveau Funboard et en allouant un budget de fonctionnement permettant de proposer des stages, des suivis, de prendre en charge de la préparation physique, mentale et du kiné sur certaines épreuves. Avec Julien, nous sommes au quotidien à l’écoute de tous les besoins des membres de l’équipe, ils savent qu’ils peuvent compter sur nous pour les aider dans leur projet sportif et professionnel.

Quels ont été les axes prioritaires pour la préparation physique et technique des coureurs en 2025 ? Combien d’entraînements ont eu lieu ?

La préparation physique générale et spécifique est gérée par les coureurs de leur côté, soit dans des salles de sport universitaires ou privées, soit dans les pôles ou Creps comme pour Pierre Mortefon par exemple ou soit avec des préparateurs physiques privés comme c’est le cas pour Justine. L’enjeu pour eux c’est de pouvoir développer de la puissance et de la résistance, et pouvoir atteindre et maintenir un gabarit spécifique pour la course en foil et en aileron. Nous sommes évidemment là si besoin pour évaluer les programmes proposés. En situation d’entraînement, nous avons à cœur de proposer un niveau de charge physique pendant les séances qui se rapprochent voire sont souvent plus élevés que la charge exigée en situation de compétition.

Du côté technique, nous avons balayé tous les fondamentaux, mais avons beaucoup insisté cette saison sur les trajectoires au jibe notamment en foil et le placement tactique sur les bords. Et évidemment, beaucoup travaillé ce qui représente l’un des éléments essentiels de la performance et l’un des éléments les plus difficiles en voile en général, le fameux départ au travers : la gestion du timing, de la vitesse, du placement et de la prise de risque. Donc encore des « kilotonnes » de départs à l’entraînement. Pour nous entraîneur, ça demande une grande précision dans l’évaluation du timing à chaque départ. Avec les outils vidéo d’aujourd’hui, nous pouvons faire très rapidement un retour « au millimètre » après chaque départ. Cela est intéressant parce que cela nous permet de réfléchir sur le rapport entre réalité et réalité perçue par l’œil humain.

Nous avons proposé 8 stages entre février et novembre, répartis entre le Sud (Almanarre et Leucate) et la Guadeloupe jusqu’en juillet et à partir de septembre en Bretagne (Quiberon) pour la préparation des PWA de Sylt et du Japon. Celui de juillet a été annulé faute de vent. Si on compte les suivis d’épreuves, nous avons eu des regroupements tous les mois d’une à deux semaines.

Sur quelles compétitions t’es-tu déplacé cette année pour coacher l’équipe de France ?

Avec Julien, nous nous sommes réparti les suivis. Julien est allé sur la PWA en Guadeloupe et au championnat d’Europe youth en Croatie, et j’ai assuré le suivi du championnat du Monde youth et open en Turquie et de la coupe du Monde à Sylt.

Quels ont été les résultats majeurs de l’équipe de France de funboard en 2025 ?

Un très bon bilan pour l’équipe de France ! Justine Lemeteyer, après sa saison 2024, confirme en devenant championne du Monde Slalom Foil et vice-championne du monde en Slalom X. Pierre Mortefon, malgré une saison très compliquée est Champion du Monde Slalom X et vice-champion du monde Slalom Foil.

Pour ce qui est du Groupe France, Benoît Merceur avait de grandes prétentions, mais le vol de son matériel et sa blessure à l’épaule ne lui ont pas permis de faire tout le tour PWA. Il se console avec une 3ème place au championnat du Monde IFCA slalom Foil. De belles performances en PWA pour William Huppert qui revient dans le top 5 mondial, d’Alexis Mathis 7ème et d’Alexandre Cousin 8ème en slalom Foil. Mae Davico termine 5ème et continue ainsi sa progression vers le podium.

Chez les jeunes, Sacha Fortune domine le slalom avec ses titres de champion du monde U21 Slalom Foil, de champion d’Europe U21 Slalom aileron et de vice-champion d’Europe U21 Slalom Foil. Eliot Joly se distingue avec ses bons résultats européens, champion d’Europe U21 Slalom Foil et 3ème en slalom aileron. Blessé à Fuerte, il n’a pu être présent en Turquie pour le monde U21.

Brendan Lorho remporte notamment la coupe du Monde PWA U21 en slalom aileron et termine 3ème en U21 slalom Foil, 3ème du championnat du Monde U21 slalom Foil, et vice-champion d’Europe U21 slalom Aileron. Il excelle également sur le circuit vitesse, avec des performances au-delà des 50 nœuds à Lüderitz !

Chez les jeunes filles, les Françaises se distribuent les titres en jeune, Charlotte Philip championne d’Europe U21 slalom aileron et Eléonore Lambeaux championne d’Europe U21 slalom foil. Tess Sermet, Charline Lemaitre, Leela Ricard et Lola Brotchi Eibel se sont également distinguées en s’installant sur les podiums européens.

Une belle présence française au top niveau mondial en senior et en jeune. En 2026, il faudra compter également sur Jean-Loup Francis chez les jeunes qui réalise cette saison de belles performances en U17. 

N’oublions pas de voter pour le Marin de l’année, Justine et Pierre font partie des nommés !

Quel a été le ressenti global de l’équipe à l’issue de la saison 2025 et quelles sont les ambitions et pistes de travail pour la saison à venir ?

Évidemment chacun a son ressenti personnel en rapport avec ses résultats 2025, mais sur le plan collectif, le ressenti est bon sur le renforcement de la dynamique et des liens entre les séquences. Nous avons rajouté à leur demande des séquences d’entraînement, donc l’offre s’étoffe et les regroupements jalonnent toute la saison pour travailler entre français et dans un groupe uni. Le mélange des anciens et des jeunes donne de la fraicheur et pousse tout le monde dans ses retranchements, ce qui permet de toujours progresser. Et pour les coachs, cela nous permet de renforcer les liens, de les connaitre individuellement plus finement et donc d’optimiser nos échanges avec chacun d’entre eux. 

Les ambitions sont de continuer sur notre lancée, c’est-à-dire de proposer un calendrier d’entraînement et de suivis conséquents. C’est une demande des coureurs. Question résultats, les objectifs sont bien entendus élevés chez les hommes et les femmes, en senior et en youth. Que chacun donne le meilleur de soi-même et si cela débouche pour certains sur des titres et des podiums, ça sera évidemment une belle réussite individuelle et collective. Concernant les pistes de travail, pour les uns c’est continuer à renforcer ce qui marche, à travailler sur les détails qui font que par exemple un titre s’échappe. Et pour d’autres, c’est progresser dans tous les secteurs de jeu, casser des routines, sortir de sa zone de confort…