L’œil de Coco : ma première raclée à Fiji

Quand l’instinct de survie a de l’humour.

On ne peut pas deviner ce que l’instinct de survie va nous faire faire dans certaines situations. Avec le recul, je crois que le mien, ce jour-là, avait un sacré sens de l’humour.

En 2023, une compétition était organisée à Fiji. Comme ça n’arrive pas tous les jours, j’avais décidé de rejoindre certains riders bien avant, afin de profiter du spot mythique.

À mon 3ᵉ jour sur place, les conditions étaient extrêmes : 8 mètres de vagues, peu de vent mais assez pour se mettre à l’eau. Autour de moi : Morgan Noireaux, Antoine Martin, Ricardo Campello… De vraies légendes. J’étais fière d’en faire partie mais intimidée aussi : je n’avais jamais navigué dans si gros. Mais JAWS était l’un de mes rêves, et ce jour-là, je sentais que je m’en approchais.

Je commence prudemment, sur les plus petites, des vagues de 5 mètres. Déjà un beau défi. Je m’applique : surfer propre, monter un peu vers la lèvre sans me faire éjecter, trouver l’équilibre entre le « suicidaire » trop à l’intérieur de la vague et le « chicken » trop à l’extérieur.

Maintenant je vous pose une question : qu’est-ce qu’il y a entre les petites vagues ? Pendant que vous cogitez, je continue mon récit.

Je prends une “petite” vague, je la gère bien jusqu’au bout, je jibe, je me retourne… et je comprends mon erreur : une GIGA série arrive. Et moi, totalement placée à son intérieur. Pas d’inertie, impossible d’échapper à la Big Mama de 8 mètres qui me fonce dessus.

Je me dis que mon matos est foutu dans tous les cas et qu’il vaut mieux ne pas m’y accrocher. Alors je saute pour m’en éloigner. Antoine est sur la vague, pile dans mon axe. Je n’ai qu’une stratégie : respirer tant que possible. La vague m’avale.

Sous l’eau, je panique. Puis je m’auto-raisonne :
— « Panique pas. T’es en manque d’air quand tu paniques. »
— « C’est vrai… tu kiffes jouer dans le shorebreak d’habitude, c’est pareil non ? »

Je ressors, juste à temps pour voir cette fois Morgan sur la suivante. Panique : il est plus à l’intérieur, je vais être sur sa trajectoire. Je crie, il tourne la tête, me voit… et continue. Finalement, il passe bien plus loin que je ne le pensais. Ma perception était complètement faussée. Et je me surprends à penser : « En vrai, j’ai un super angle pour les regarder surfer. »

Nouvelle vague, nouvelle machine. Je panique encore, puis je me raisonne :
— « Pourquoi tu paniques ? Tu ne vas pas mourir, sinon t’aurais déjà vu ta vie défiler. »

Cette phrase me calme.

Je ressors, reprends trois respirations, Ricardo déboule sur la vague suivante… et je replonge. À ce stade, je comprends que je dois bouger. Pas de jet ski pour me sauver, les surfeurs qui en avaient un sont déjà partis. Alors j’alterne entre machine à laver et brasse pour rejoindre le chenal. Heureusement, les vagues sont plus petites, mais elles restent à 4-5 mètres.

Enfin hors de portée, je souffle. Sur le bateau, mes amis sont abasourdis. Ils comptaient les voiles, ont vu qu’il en manquait une : la mienne. Panique générale. D’autant que j’étais considérée, à juste titre, comme la bleue du moment. Quand ils m’entendent rire (nerveusement) et lâcher un : « Je me suis fait défoncer comme jamais ! », ils soufflent de soulagement.

Morgan et Antoine m’attendent eux aussi soulagés mais pas sans me rappeler la leçon : toujours regarder derrière avant de partir. J’avais visiblement besoin de cette raclée pour l’intégrer…

On file récupérer mon matos au reef de « Hachich kebab », qui porte bien son nom tant il peut être destructeur. Surprise : mon matos est intact ! La vague l’avait déposé si loin qu’aucune autre vague n’a pu l’abîmer.

Encore sous adrénaline, je les vois dégréer pour moi et je lâche : « Ah bon ? J’arrête là alors ? » Eux me regardent, choqués. Mais j’insiste : après une chute, il faut vite remonter en selle. Alors je reprends des forces, et j’y retourne.

Au large, les gars me félicitent. Ricardo Campello me lâche même un :
« You have big balls, girl. »

Franchement, est-ce qu’il y a meilleure fin à cette histoire ?

Ah si… Quelques jours plus tard, la compétition commence, et je décroche mon tout premier podium mondial : 3ᵉ place, juste à côté de Sarah Hauser et Sarah-Quita Offringa.

Petite précision : cette histoire s’est passée à l’époque où j’avais encore mes anciens sponsors matériels. Je ne pouvais pas ne pas illustrer ce récit avec des images, donc ils y apparaissent. Mais, à peine trois mois plus tard, l’aventure avec eux s’arrêtait.

Heureusement, Gunsails et Flikka ont repris le flambeau – et quel flambeau ! Quelques semaines seulement après avoir reçu leur matos, je décrochais déjà mon deuxième podium mondial à Hawaii, qui m’a propulsée sur le podium du Mondial Général.

Aujourd’hui, je suis plus que jamais reconnaissante et motivée d’avoir trouvé en eux des partenaires qui ont cru en moi et choisi de me suivre. J’ai hâte de créer de nouveaux souvenirs à Fiji avec eux. 🌊💙

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