Le double champion du monde en titre (Slalom Foil et Aileron), Pierre Mortefon, a répondu à nos questions depuis la Guadeloupe, où il a posé ses boardbags afin de se préparer au mieux à la première étape du tour Slalom Foil PWA 2025.
Salut Pierre, comment ça va ?
Ça va. Je suis encore un peu décalé, mais on est bien arrivés en Guadeloupe.
Tu es arrivé quand ?
Dimanche, avec Cédric Bordes. La compétition ne commence que le 22/04, mais j’ai reçu une partie de mon matériel un peu tard, donc je me suis dit : autant se caler sur place en arrivant dix jours avant le début de l’épreuve. Et puis, on est pas mal ici, on a été bien accueilli par Tristan Algret.
Tu connais un peu le plan d’eau de la compète ?
Ça fait deux, trois jours qu’on y navigue, mais je ne connaissais pas avant.
Ça ressemble à Sainte-Anne et à Saint-François, c’est la même côte et la houle est dans le même sens, avec un vent similaire.
Comment s’est passée ton intersaison ?
Ça s’est plutôt bien passé. Ça faisait du bien de se poser et de se reposer après une année qui avait été intense dès le début, avec mon changement de sponsors. Ce moment n’avait pas été évident à gérer.
Quand tu changes tout d’un coup, tu dois passer beaucoup d’heures sur l’eau pour redécouvrir plein de choses. Le matos était super performant, mais quand tu es avec quelque chose pendant 15 ans, il faut se réhabituer à des choses un peu différentes, et assez rapidement. Ça avait été assez fatigant.
Du coup, la pause de l’intersaison m’a fait du bien, même si j’ai eu des petits soucis de dos qui sont ressortis un peu en décembre, quand la pression est retombée. J’en ai profité pour me reposer. J’ai repris l’entraînement en janvier. En 2024, je n’étais pas parti à l’étranger pendant l’hiver parce que ce n’était pas possible, et au final, ça avait bien marché. Il n’avait pas fait trop froid en France, et j’avais trouvé le moyen de bien naviguer.
Cette année, j’avais décidé de refaire la même chose, en sachant qu’en plus de ça, on avait un stage organisé par la FFV en mars — une quinzaine de jours à l’Almanarre — auquel s’est ajoutée une autre semaine mi-février. Ce qui, finalement, faisait un programme d’entraînement bien chargé.
À côté de ça, en février, j’ai aussi pas mal échangé avec Johan Søe, le Danois. Il est venu à l’Almanarre, et on a fait le premier stage ensemble. C’était top. J’ai aussi reçu mon matériel petit à petit. Du coup, là, je passe beaucoup de temps sur l’eau pour me régler. J’ai fait pas mal de yoga, d’étirements et de renforcement aussi de tout le dos et de la ceinture abdominale en général, parce que mine de rien, les années passent, et ça commence à tirer. Là, il faut que j’affine encore deux, trois choses sur les choix de matos pour la validation à l’année de la Coupe du Monde. C’est en train de se mettre au vert doucement. Le plan est bon.
Pendant ta préparation, sens-tu que tu as progressé sur certains points par rapport à l’année dernière ?
Oui, sur la gestion de l’ensemble, en général. Même s’il y a des moments un peu compliqués ou des moments de doute, je sais un peu mieux ce qu’il faut que je fasse pour gérer ça, comment bien anticiper les choses.
Par exemple, le matériel qui arrive tard, c’est toujours un peu stressant, mais d’un autre côté, j’ai mis un programme en place pour que ça se règle vite.
Je suis venu un peu plus tôt ici pour avoir le temps de trouver les solutions. Je sais que je vais y arriver, donc là-dessus, je trouve que j’ai progressé.
Et sur la navigation en elle-même ?
J’ai travaillé un peu les manœuvres cet hiver, les jibes en particulier.
Je ne sais pas si j’ai vraiment progressé, mais j’ai plein de petits aspects qui sont un peu mieux, physiquement aussi. J’ai fini sur les rotules en 2024, et là, je repars en forme.
À la veille de la première étape, ressens-tu plus de pression que les années précédentes du fait d’être double Champion du monde ?
L’année dernière, j’ai fait une année parfaite. C’était incroyable. Et honnêtement, je ne peux pas faire beaucoup mieux.
Depuis que j’ai repris les entraînements, je pense avoir bien fait les choses et être plutôt bien préparé. Après, s’il y a des mecs qui sont forts et qui naviguent mieux, ce sera comme ça.
Donc non, je n’ai pas plus de pression que ça. J’ai envie de bien faire les choses et ce n’est pas parce que je suis champion en titre que mes jambes tremblent.
Il y a quelqu’un qui te fait un peu peur cette année ?
Un mec comme Matteo Iachino, je sais qu’il sera présent au rendez-vous, comme c’est le cas depuis dix ans maintenant. Il y a aussi un gars comme Jordi Vonk qui va être fort ou Daniele, l’Italien, qui navigue super propre.
Il y a bien sûr Johan Søe, qui est un gros client, mais il ne sera pas en Guadeloupe cette année. Il est au Danemark, je crois, sur une épreuve IQ, comme Nico Goyard.
Ça fait deux gros clients en foil qui ne seront pas là, mais dont il faudra se méfier ensuite.
Mais franchement, je sais que si je navigue correctement et que je fais ce que je sais faire, j’ai largement les moyens de bien marcher.
Peux-tu nous parler des nouvelles règles en 2025 au niveau de l’équipement ?
La règle de base ne change pas : on doit enregistrer 5 voiles, une planche, 3 ailes avant, 2 fuselages et 2 stabilisateurs. Elle est en vigueur depuis le début de l’année dernière, quand on a séparé les deux disciplines, le foil et le slalom. Les petites précisions de cette année concernent surtout le foil : on est censés courir sur du matériel de production.
Et c’est vrai que, depuis quelques années, il y avait là-dessus des choses un peu limites.
Certaines marques donnaient à leurs coureurs des pièces pas forcément disponibles pour tout le monde, voire pas disponibles du tout à la vente.
Alors que la règle de base, c’est l’utilisation de matériel de production. Et pour moi, du matériel de production c’est du matos que tu peux trouver en magasin et acheter. Mais ce n’était pas toujours le cas.
Et comme tu enregistres ton matériel à l’année, une fois que c’est fait, c’est trop tard.
Donc, il y a eu des points de règlement ajoutés ou éclaircis : obligation d’utiliser du matos de production avec une preuve de production à fournir. Normalement, ça devrait être mieux surveillé. Il y avait des marques qui voulaient filer des nouveautés uniquement à leurs coureurs, et ça, ça a été pointé du doigt et bloqué directement.
Au-delà de sa technicité à piloter, on a l’impression que le foil est aussi plus technique à régler selon les étapes et les plans d’eau. C’est le cas ?
Oui et non.
Oui, c’est plus difficile à régler, dans le sens où tu as plus d’éléments à ajuster qu’une planche à aileron classique. Au lieu d’avoir seulement la taille, la souplesse et le style de l’aileron, là tu joues aussi avec l’angle du mât, l’angle du stab… donc c’est un peu plus complexe. Mais à côté de ça, une fois que tu as trouvé ton bon réglage, il marche presque partout.
Derrière, ce n’est pas si compliqué. On affine un peu les réglages pour la hauteur de nez, les touchettes, les angles du stab, pour ajuster un peu la puissance du foil.
Et là, pour le coup, c’est quelque chose que tu ressens vraiment. Il y a des spots puissants, des spots glissants, d’autres qui demandent plus de puissance.
Par exemple, ici en Guadeloupe, l’eau est puissante avec la houle. À l’inverse, à Gruissan, c’est totalement différent.
C’est quoi ton pronostic pour la Guadeloupe ? (Je précise : derrière toi !) 😄
Je pense que tu as quand même six ou sept mecs qui peuvent potentiellement gagner ou faire un podium.
Moi, je vais essayer de faire le mieux pour être devant. Après, on verra.
C’est la première étape de l’année, tu ne sais pas trop qui vaut quoi. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, tu vois un peu ce que font les autres. Mais est-ce que c’est vrai ? Est-ce que c’est du flan ? Est-ce qu’ils se sont beaucoup entraînés ? Pas trop ?
Peut-être qu’un jeune va sortir de nulle part. Quelqu’un qui était déjà là, mais qui a beaucoup progressé cet hiver. L’ancienne génération ne va pas avoir une énorme évolution d’une année à l’autre. Mais tu peux avoir des jeunes qui pointent le bout de leur nez. Donc… dur de faire un pronostic. Mais je pense que les acteurs principaux des années précédentes seront là.