C’est à Haiku, au shop Quatro/Goya (Maui) que nous avons rencontré Antoine Martin. Quelques jours plus tôt, lors d’une session sur le spot de Kanaha, il a été victime d’un accident qui l’éloignera quelques temps de l’océan et des vagues. Il revient avec nous sur cette session et sur l’épreuve du Chili où il termina 17ème.
Salut Antoine, comment ça va ?
Ça va, on fait aller.
Que s’est-il passé samedi dernier ?
Pour reprendre depuis le début, j’étais au Chili pour l’épreuve du World Tour. Je n’ai pas eu le résultat espéré. On a terminé assez vite la compétition. Il restait encore quelques jours de waiting period mais étant donné que je n’avais plus rien à faire là-bas et que le swell n’était pas dingue, j’ai vu qu’ici (à Maui), ça allait être le feu, j’ai décidé de venir un peu plus tôt, afin de pouvoir me faire plaisir avant que tout le monde arrive pour la compétition (Maui ProAm du 14 au 18 Avril). Je suis arrivé vendredi soir et le lendemain, direct session à Ho’okipa. C’était gros, c’était bien gras, mais un peu trop démonté, avec trop de clapot. J’ai fait trois quarts d’heure de session. Puis je me suis dit que ça ne valait pas trop le coup de rester là. Je suis allé me faire une deuxième session à Kanaha, un peu plus cool. Mais j’étais trop excité. Vu qu’à Ho’okipa, je n’avais pas pu m’exprimer comme je voulais, j’étais un peu nerveux. Je me suis dit, vas-y, on va à Kanaha, et on va un peu envoyer du pâté. Mais en fait, Kanaha, c’était aussi bien solide. Il y avait Logo High à Lowers, à marée basse, ce qui sature le spot. Sur ma deuxième vague, j’ai pris la grosse section. J’ai voulu aller un peu trop fort et j’ai bouffé. Je suis parti avec le matos qui a tapé sur ma tête. Toute la tête, en fait, parce que tu as vu, même sur le cou, j’avais mal aux muscles. Et en fait, je crois que mon oreille m’a sauvé la vie. Avec du recul, je suis en train de tout réanalyser. Et je me dis que ça a été un sacré choc pour que ça explose mon oreille. Je crois qu’elle a été le petit coussin qui m’a évité le black-out et la fracture crânienne.
Bilan ?
Oreille sectionnée et arrachée à la base. Je vais revoir le spécialiste demain, le docteur qui m’a opéré. Mais j’ai regardé vite fait et apparemment, ce serait 4 à 8 semaines de repos pour que ça se cicatrise. Après, l’oreille va rester encore fragile donc je pense que c’est deux mois off puis obligation de porter un casque au moins au début pour protéger l’oreille.
Et le Chili, quelles sont tes impressions sur cette épreuve ?
Je crois que c’est une des plus belles épreuves qu’on a sur le tour. L’organisation est au top. L’endroit là-bas, c’est un paradis du windsurf et du surf. À la bonne saison, ils ont des conditions pratiquement tous les jours. Tous les jours, non-stop. Et la compétition était assez cool, même si je suis un peu déçu parce que ça fait la deuxième année que je me plante sur cette épreuve. Alors que c’est censé être mon côté de prédilection. C’est ma spécialité, le surf bâbord. Et ça fait deux fois que je me mange. Du coup, ça devient un peu frustrant.
Surtout que ça fait deux années où je perds à chaque fois alors que je fais un des plus gros heats du round. Cette année, je suis troisième. Alors que dans n’importe quel autre heat, je passais plus ou moins facilement. Je sais que l’erreur vient de ma part parce que quand tu perds, c’est que tu n’as pas bien fait les choses. Mais il y a aussi cette petite partie de chance qui, parfois, n’est pas de ton côté. C’est comme ça. Il faut faire avec. Cette année, dans mon heat, j’étais face à Marcilio Browne et Baptiste Cloarec. L’un est le champion du monde et l’autre est un peu l’outsider dont on connaît tous le niveau et dont on se méfie. Pour bien débuter, j’ai commencé le heat en prenant une vague avant le début. Sans le savoir. Et c’était ma meilleure vague. Ce n’est pas une bonne tactique. Quand j’ai appris ça, ça m’a mis un peu dans le jus. Mais j’ai réussi à me recaler à la deuxième position pour me qualifier. Et quand le heat s’est terminé, Baptiste a réussi à prendre une vague à un kilomètre au large que les juges ont validée car il était dans les temps. Le truc, c’est assez frustrant. Parce que tu imagines que le heat est terminé depuis 30 secondes. Et là, il arrive au bord pour commencer à surfer sa vague. C’est hyper long. Quarante-cinq secondes après le heat, c’est insensé. Et puis, bien sûr, c’était la plus belle vague du heat. Il l’a scoré comme il faut. Il y entre son premier goiter de la compétition… L’histoire était juste de son côté. Du coup, c’est un peu frustrant.
Aujourd’hui, Marcilio semble imbattable. Comment expliques-tu cela ?
Je pense qu’en ce moment, il est arrivé à un niveau où, en fait, il n’a plus rien à prouver. Et ça, ça lui permet d’avoir une certaine sérénité sur l’eau qui l’aide beaucoup. C’est un truc que j’ai appris sur l’IWT, quand je commençais à gagner pas mal de compétitions contre des top riders. Plus je gagnais des compétitions, plus ça me paraissait normal d’aller en demi, en finale. Ce n’était même pas un challenge, en fait. Pour moi, c’était normal. Donc, étant donné que c’était normal, tu ne stresses pas et tu as une navigation hyper sereine et tu es fort. Et je pense que c’est ce qui lui arrive en ce moment. C’est qu’il a réalisé, en fait, tous ses rêves. Et que maintenant, il n’a plus qu’à profiter. Il n’a plus rien à prouver. Si on regarde un peu en arrière, Marcilio, à part ces dernières années, avant, il a été champion du monde sans pratiquement victoire. Si on regarde les scores, il n’a gagné que très peu d’épreuves. Il y a des gars qui n’ont pas été champions du monde alors qu’ils ont gagné beaucoup plus d’épreuves que lui. Du coup, je pense qu’il avait ce blocage de ne pas gagner d’épreuves tout en restant le plus régulier. Et du coup, ça ne marchait pas pour lui. Mais maintenant, il n’a plus besoin de réfléchir. Il a tout réussi.
Quels sont tes projets pour les mois à venir ?
Pozo est ma priorité. Là, j’ai un début de saison un peu frustrant. J’ai signé assez tard chez Quatro-Goya. Et pour moi, travailler avec eux et toute la team, c’est un peu un rêve. Et comme tout bon sportif, j’ai envie de faire plaisir à mes sponsors et de bien commencer l’année. Mais vu que j’ai signé assez tard, j’ai reçu mon matos tard, et je n’ai pas eu le temps pour m’entraîner dessus et me préparer pour la saison. J’ai reçu le matos pendant les compètes. Je suis en train de le découvrir tout en essayant de faire des résultats. Ce ne sont pas les conditions optimales pour faire une bonne saison. Puis maintenant, il y a la blessure. Je n’ai donc pas cette sensation de vraiment taffer et passer du temps sur mon matos pour perfectionner ma navigation. Donc là, je vais me reposer et vérifier que mon oreille se remette bien et je vais attendre Pozo le plus tranquillement possible ici, puis chez moi, en Guadeloupe.