48.33 nœuds à Lüderitz ! Le récit de Jean-Michel Cloarec

Fin octobre, Jean-Michel Cloarec se rendait pour la première fois sur le célèbre canal de Lüderitz en Namibie avec seulement quelques runs d’expérience en speed et une farouche envie de se dépasser.

Après seulement 5 jours de navigation et une petite quarantaine de runs, « Big Jim » réalise un incroyable 48.33 nœuds sur 500 mètres, un excellent chrono parmi le gratin de la vitesse.

 Ils sont 28 windsurfers et 6 kiters a avoir participés à cette édition 2014.

 Jean-Michel revient pour nous sur cette aventure extraordinaire, vécue de l’intérieur.

 

Nom : Jean-Michel Cloarec, souvent appelé JIM.

Age : 46 ans.

Gabarit : 1m94, 100 kilos.

Résidence : A atterri à Aix-en-Provence il y a 2 ans, après 20 ans sous le soleil brestois.

Job : S’amuse à faire voler des avions depuis 1987 et y a pris goût.

Sponsors : Point 7 a eu la gentillesse de me sponsoriser pour l’aventure Luderitz. Gasoil, Swell-addiction Brest, Mistral, Starboard ont été mes précieux partenaires.

Budget nécessaire : Important mais raisonnable dans l’absolu.

Temps passé à Lüderitz : 12 jours sur place, 4 jours de voyage, soit 17 jours pour 5 jours de navigation.

Ton meilleur Chrono sur 500 mètres : 48,33 nœuds sur 500m. Ce qui est plutôt pas mal pour un rookie

Avec quel matos : Une Point-7 AC1 2014 5.6, une Mistral speed 41 et un excellent Gasoil ELS-L 19 asy.

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Quels ont été les meilleurs temps cette année 2014 à Lüderitz ?

En windsurf, Patrick Diethelm réalise un superbe 51,18, suivi de Anders Bringdal, Mark Grinnell, Hans Kreisel et Jacques Van Der Hout. Il est à noter que la majorité des coureurs a amélioré son record de l’année 2013. Les conditions étaient donc plutôt bonnes cette année.

 

Comment est née l’envie du canal ?

Pour quasiment tous les planchistes, l’envie d’aller plus vite sur l’eau est omniprésente, que ce soit en Freeride, en slalom et même parfois en waveboard quand les vagues se font discrètes. Le côté exceptionnel des records de vitesse en mer ou sur canal passionne encore et toujours. Mon envie d’affronter le canal est donc née à Brest en écoutant les aventures namibiennes à Walvis Bay de mon ami Thierry Postec et plus récemment du retour d’expérience de mon sparring partner du Jaï Christophe Richaud, spécialiste de longue date en speed.

 

Quel est ton expérience de la vitesse avant Lüderitz ?

En un mot: FAIBLE

En septembre 2013, Swell Addiction Brest me commande une i-Sonic Speed 49 2014 tout fraichement sortie du moule. Une navigation aux Coussoules avec Mister Richaud en pleine préparation pour l’édition Luderitz 2013, pour comprendre que j’ai vraiment beaucoup à apprendre! Une dernière sortie à l’Almanarre en octobre pour une prise de confiance avec des volumes inférieurs à 70l malgré mes 100 kilos et la demande d’inscription à Pascal Maka pour m’autoriser à participer au Mondial du vent 2014. Belle expérience que ce Mondial, tant techniquement que physiquement, en moyenne 4 à 5 nœuds de moins qu’Antoine Albeau sur chaque run… Puis, malheureusement pas de sortie en board de speed avant Luderitz!

 

Quel matos as-tu emporté ?

Vue ma faible expérience, il me fallait pouvoir naviguer dans des conditions de vent faciles pour apprendre et me mettre en confiance avant d’affronter les conditions extrêmes du canal par plus de 35 noeuds. J’ai donc décidé d’emporter 2 combos, 1 light wind et 1 high wind. Soit ma i-Sonic 49 et ma Point 7 Ac1 2014 6.3, puis une Mistral Speed 41 avec une Point 7 5.6. En aileron, du Gasoil ASY ELS-L 22 et 19 pour éviter les mauvaises surprises.

 

Quel budget pour 2 semaines sur place ?

Des chiffres bruts que chacun peut moduler selon sa situation.

-Inscription Luderitz Speed Challenge pour 2 semaines : 2000 euros.

-Voyage Marseille/CDG/Cape Town aller/retour avec 2 board bags : environ 1800 euros.

-Location 4X4 pour 2 et gasoil : 1500 euros, soit 750€ par personne

-Hôtel et restaurant : environ 1000 euros, pour un confort excellent et une restauration de qualité au Nest Hôtel.

-Matériel spécifique pour le canal : au minimum 1 board de 40 à 44 cm / 1 voile de 5.5 / 1 aileron asymétrique. Mais pour profiter pleinement de tous les jours de vent un combo light wind est conseillé.

 

Tu t’es préparé physiquement en parallèle ?

Ma décision prise de partir à Luderitz en octobre, j’ai pris un abonnement début janvier à Keep Cool, une chaine nationale de salle de sport, parfaitement adaptée aux planchistes amateurs jusqu’aux compétiteurs bien affutés, un complément incontournable aux nombreuses sorties en slalom pendant l’année.

Pour l’année prochaine, je renforcerai encore la préparation physique qui n’était pas suffisante pour enchainer les runs toute la journée au fond de la Namibie. Moins de gras, plus de muscle pour finalement moins de poids. Il est plus efficace de glisser une ou 2 plaques de plomb dans le gilet que de compter sur un régime pizza/bière/Nutella…!

 

Quelle a été ta première impression en découvrant le spot ?

Après une longue et éprouvante journée en 4X4 à travers d’incroyables paysages, nous nous sommes directement rendus sur le canal pour enfin découvrir « the magic channel » Et là, à la sortie d’un virage sablonneux, la zone d’arrivée du canal…. Mon dieu que c’est petit !!! Il va falloir passer de 80.90 km/h à 0 en 40 mètres…. CHAUD!!! Puis découverte de la zone de départ, assez large, le fameux virage qui débouche enfin sur les 500 mètres de run bien étroit… Vivement le vent pour se lancer sur ce spot unique et si atypique !

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Et les premières sensations sur l’eau ?

Le 23 octobre, 20-25 nœuds balayent mollement le canal. La chance est avec nous. Rien de mieux que du light wind pour découvrir sereinement et calmement le fonctionnement du Canal.

Les compétiteurs déjà sur place depuis 1 ou 2 semaines nous laissent volontiers la place pour nous énerver sur les départs au planing dans la zone de lancement finalement pas si large ni longue.

Une fois lancé, les pieds dans les footstraps et accroché au harnais, pas le temps de souffler, il faut fournir le deuxième effort pour accélérer dans le virage, ne pas ouvrir la voile ni laisser cabrer la board qui ne demandent que ça …!

Enfin la récompense, plus de 500 m bien calé à plus de 40 noeuds soit 2 fois la vitesse du vent, une grosse vingtaine de secondes de glisse parfaite comme nulle part ailleurs… Du pur bonheur

Sortie du rêve dans la zone d’arrivée où il faut engager son racing jibe, déventer la voile et finalement lofer vers la berge pour s’arrêter.

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Quel est le niveau de difficulté ?

Je pense qu’il faut bien différencier les conditions à moins de 35 nœuds de celles à plus de 35 nœuds.

Moins de 35 nœuds, la difficulté technique est la prise du planning, ensuite le run glisse bien en étant calé sans trop bouger. Pas d’essoufflement à l’arrivée, décélération tranquille.

Plus de 35 nœuds, on rentre dans un autre monde, le vent est irrégulier en force et instable en direction, rendant les départs très techniques et physiques.

_ Un départ sur 2 en moyenne est avorté.

_ Le virage nécessite un engagement physique important pour encaisser l’accélération pendant l’abattée, +15 à 20 nœuds en quelques mètres, la moindre faute technique et la planche cabre et n’accélère pas bien.

_ Le run. A plus de 46 nœuds, le flotteur devient ardent et les cuisses chauffent vite. Les rafales de vent nécessitent un engagement et une concentration extrême pour ne jamais se laisser embarquer par la voile tout en pilotant la trajectoire du flotteur entre les 2 berges espacées de 6 mètres. La chute à 90 km/h est fortement déconseillée…. Le drapeau d’arrivée passé, il y a 2 secondes pour se détacher du harnais et amorcer le racing jibe sous peine de percuter la berge au vent. Voile déventée, gun de 40 cm sur la tranche dans de grosses marches de 50 cm levées par le vent, les cuisses en feu, la vitesse passe rapidement de plus de 48 nœuds à 20 nœuds, puis pendant le lofe, la voile s’ouvre à nouveau en prenant violemment les 45 nœuds plein arrière de la zone d’arrivée. Spin out puis wipe out assurés dans 40 cm d’eau! Coup d’œil au GPS pour avoir une idée du chrono, et ne pas trainer dans l’eau, un autre furieux ne va pas tarder à débouler dans la bassine. Heureusement, le staff de l’organisation nous aide dans l’eau à récupérer nos boards et les installer sur la remorque.

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Combien de runs as-tu effectué sur le séjour ?

Une journée standard débute vers midi puis se termine vers 17h, soit plus de 5h sur le canal. Dans 20-25 nœuds, il y a moins de monde sur le canal, on peut enchainer les runs rapidement, Yann Coedic frôlait les 20 runs ces jours-là! Dans plus de 30 nœuds, tout le monde fait la queue et l’attente est longue, à laquelle il faut ajouter les départs ratés qui nous rejettent en bout de queue. Dans ces conditions, il faut compter entre 7 et 12 runs. La fatigue est malgré tout bien présente en fin de journée. Pourtant nous ne naviguons « réellement » que 10 mn max par jour! Incroyable canal!!!

Personnellement, sur 2 semaines, j’ai effectué une petite quarantaine de runs sur 5 jours de navigation.

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Comment cela se passe t’il dans la zone d’attente du départ ? Notamment entre les « amateurs » et les « pros » ?

Chacun respecte son tour dans la queue… ou le fait respecter. Dans les conditions de record potentiel, l’organisation a suggéré aux coureurs d’établir une « priorité » lorsque 51 nœuds ont été atteints et ainsi pousser la perf de celui qui peut réaliser le nouveau record du monde de windsurf, en l’occurrence Patrick Diethelm, qui est le seul rider présent à avoir dépassé cette vitesse.

 

Thierry Bielak et Eric Beale, deux anciens recordmans du monde de vitesse étaient présents en même temps que toi sur le canal. Comment expliques-tu que tu as réalisé de meilleurs chronos avec seulement quelques runs d’expérience ?

En effet, mon expérience en speed était très faible. Il fallait que j’apprenne très vite surtout avec du matériel neuf et jamais utilisé. Mes voiles Point 7, prêtées par Andrea Cucchi un mois avant mon départ, ont été réglées par Pascal Toselli au Jaï. Anders Bringdal m’a briefé longuement sur le canal, sur les réglages de la Mistral 41 et sur le choix des ailerons Gasoil. Thierry Bielak m’a également donné pas mal de conseils pendant le séjour. Au final, mon matos était facile, équilibré et rapide. A chaque run, je modifiais un réglage, progressant doucement mais sûrement chaque jour pour finalement atteindre des performances honorables. Mon passé de pilote de chasse sur porte-avions m’a été également d’une grande aide pour la gestion du risque et l’engagement sur le canal. Et puis la glisse…. tu l’as, ou pas…

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Que t’a-t-il manqué pour taper les 50 nœuds ?

Très simple. De l’expérience, de la technique sur le départ, du physique et un peu plus de passage le jour à 40/45 nœuds.

 

Ancien pilote de chasse, tu en connais un rayon sur l’aérodynamisme et les hautes vitesses. Que faudrait-il travailler sur le matos pour encore améliorer les temps ?

Je ne suis pas ingénieur en aéronautique, mais il faut comprendre que la vitesse en windsurf associe de la basse vitesse dans l’air pour la voile (90-100km/h) et de la survitesse dans l’eau pour l’aileron. L’ennemi est la trainée, à partir de 45 nœuds surtout, elle augmente au carré de la vitesse dans l’air et puissance 10 dans l’eau. D’où la nécessité de bloquer les têtes des voiles de speed, responsables de beaucoup de trainée. La qualité de l’extrados doit également être soignée. Quant à l’aileron, le profil asymétrique est obligatoire, ne serait-ce que par sécurité pour éviter les spin out. Il faut avoir de la portance avec néanmoins le minimum de surface immergée. Des solutions peuvent être appliquées.

 

Que retiens-tu de cette expérience ?

Des moments inoubliables avec une super équipe de potes. Des sensations incroyables sur le magic channel que j’aurai regretté ne pas vivre au moins une fois. Une envie de progresser pour passer le mur des 50 nœuds. Au final une belle aventure !

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On te retrouve l’an prochain sur le canal ?

EVIDEMMENT!!!

 

Classement final Luderitz speed challenge 2014

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